Charlie Hopkins ou le jouet favori de la nuit.

Messages : 2 Date d'inscription : 27/03/2009

Allongé sur un sol aussi dur que crade, au milieu d’autres gens qu’il ne connaissait même pas, eux-mêmes endormis entre une montagne de cadavres de bouteilles et quelques restes de drogues minablement gâchées, Charlie se leva péniblement, lentement, renversant au passage l’homme et la femme qui étaient allongés sur lui, en sous-vêtements. Lui-même n’avait pas cru bon de se vêtir plus que ça. D’un geste de la main, il balaya les quelques restes de la cocaïne en poudre qui était resté sur son torse, et enfila le premier pantalon qu’il trouva. Un jean troué et désespérément crade, qui ne lui appartenait probablement pas. La nuit était tombée, Charlie venait de se réveiller. Lui-même ne savait pas où il était, et la réponse ne l’importait absolument pas. Il était là où le destin avait cru bon de l’emmener, et c’était parfait comme ça. Enjambant soigneusement les tas de corps endormis, pas plus réactifs que des cadavres, il se dirigea vers la seule personne dont le visage lui était familier. Son partenaire de débauche, qui rythmait continuellement sa vie. La seule personne avec qui il avait pris la peine d’entretenir un lien ambiguë, jonglant entre amitié et sensualité. La seule personne qui comptait à ses yeux, et qui le séparait d’une éternelle solitude qu’il n’aurait pourtant pas refusée. Ils menaient la même vie. Ils étaient identiques. Des artistes en éternel quête de liberté, trop occupés à rêver pour se soucier du monde dans lequel ils vivaient. Trop occupés à rêver pour savoir qui ils étaient.

Sur le chemin, il trouva une bière qu’il ouvra à l’aide des dents du cadavre le plus proche. Histoire de ne pas s’abîmer les siennes, vous comprenez. La victime ne laissa échapper qu’un faible grognement, sans prendre la peine de bouger la moindre parcelle de son corps. A croire que celui-ci était réellement mort. Il aperçu finalement les pieds de son ami, reconnaissable à l’aide d’un tatouage qui descendait jusqu’à sa cheville, et le déterra en bousculant les corps qui s’étaient étalés sur lui. Au moins, eux, ils avaient des fringues. L’un d’eux se réveilla, mais retomba dans les bras chargés d’Orphée, sans avoir le temps d’attirer l’attention de Charlie, maintenant occupé à secouer son partenaire de débauche, dans l’espoir d’interrompre ses rêves. Eliott, comme il s’appelait. Charlie et Elliot. Tout une histoire.

- Hé, mec ! Tu pourrais pas arrêter de pioncer ? Sinon l’agneau va encore bouffer le loup. Et ça commence à m’énerver, que l’agneau bouffe toujours le loup.

Charlie, monument d’incompréhension. C’est sans doute lui qui a inventé la contradiction. Eternel philosophe en quête de liberté, rien ne saurait l’arrêter, et personne ne peut le cerner. Il est tout le monde, mais n’est personne. Après lui avoir dessiné un corps, on a manifestement oublié de lui créer une personnalité. Une enveloppe vide sans aucun sens, à l’image du monde dans lequel il vit. Un animal perdu au milieu du gigantesque zoo que l’on appelle la terre. Charlie est un loup, criant inlassablement sa douleur quand la lune se met au défi d’illuminer l’obscurité de la nuit. Charlie est un chat, appréciant les contacts physiques mais refusant de s’attacher aux autres comme tous ces stupides chiens. Il a un besoin vitale d’indépendance, ressemblant sensiblement à un amour sincère pour la solitude. La solitude, et l’obscurité. Charlie, il adore ça. Il est celui qu’on veut qu’il soit, et ne saurait imposer sa loi. Un terrible manque de personnalité, me direz-vous ? Normal, il n’en a pas. Il ne vit pas dans son monde, non, il vit dans celui des autres. S’adaptant à son interlocuteur comme un branchement s’adapte à sa prise. Il est le jouet parfait. Alors faites de lui ce que vous voulez, il est là pour ça.

Et votre jouet préféré avait une furieuse envie de se tirer d’ici, quitter ce lieu de débauche ennuyante pour rejoindre l’esprit de la nuit, et sentir le vent caresser sa peau. Nouvelle nuit, nouvelle vie. Il était temps de devenir quelqu’un d’autre. Après le junkie en manque de cocaïne d’hier soir, sa nouvelle identité n’allait pas tarder à venir le chercher. Elle venait toujours à la tombée de la nuit, il en était toujours ainsi. Péniblement, Eliott ouvrit un œil, puis lutta pour ouvrir le suivant. Un violent mal de crâne rendit son réveil particulièrement douloureux, mais malgré tout, il ne tarda pas à tenir sur ses deux pieds. Question d’habitude.

- Parfait ! Le loup a réussi à s’échapper ! Bon, on se casse maintenant ?

Et les deux ex-junkies se dirigèrent vers la sortie, prêt à offrir leurs corps à la nuit. Aussi longtemps qu’elle voudrait bien d’eux, ils seront ses jouets. Elle pouvait faire d’eux ce qu’elle voulait, et c’est sans doute ce dangereux plongeon vers l’inconnu qui rendait les choses si excitantes. Marchant dans la rue avec pour seul tenue son fameux jean troué, laissant son torse tatoué profiter pleinement du vent nocturne qui caressait sa peau, et qui chatouillait délicatement ses pieds. Sa véritable personnalité revenait lentement à la surface, un sentiment que Charlie n’avait jamais beaucoup apprécié. Le philosophe qui se cachait en lui réfléchissait trop, c’était agaçant. Vraiment. Il ne s’autorisait à être lui-même seulement quand l’occasion s’y prêtait. Quand la nuit ne voulait pas de lui, ou que son interlocuteur n’était pas l’un de ses nombreux jouets. Chose particulièrement rare, il faut bien l’avouer. Son esprit était en perpétuel combat, condamné à s’opposer pour défendre toutes les contradictions qui naissait en lui. Charlie pourrait sans doute être qualifié de philosophe torturé, fidèle serviteur de la nuit et du silence, si son profond désir de s’amuser ne le conduisait pas à enfiler d’innombrables costumes pour adopter une attitude correspondant à ses envies du moment. Aux envies de la nuit. Il aimait être le jouet de quelqu’un pour lui donner la responsabilité de décider qui il était. La seule solution qu’il avait trouvé pour s’empêcher de se lancer dans la quête de sa véritable personnalité. Une quête trop longue et épuisante. Lui, tout ce qu’il voulait, c’était s’amuser.

Son éducation était sans doute la raison de sa personnalité tellement torturée qu’elle en devenait inexistante. Une histoire longue et compliquée qu’il serait inutile de raconter. Inintéressante et mélodramatique, basée sur un vulgaire concept d’abandon et de parents incompétents. Une histoire manquant finalement d’originalité, mais qui a fait de lui ce qu’il est : un artiste en éternel quête de liberté. La liberté et l’amusement, les deux sentiments qui rythment sa vie et qui dictent sa conduite. Loin du philosophe incompris et torturé qu’il s’efforce de rejeter.

Et sans prévenir, elle ne le faisait jamais, la nuit lui offrit une nouvelle personnalité. La forme du signe variait continuellement, mais c’est aussi ça qui était si amusant. Des images défilèrent dans sa tête, avant de prendre vie en face de lui. Des éléphants roses, se battant contre une fée de la taille de Godzila. Des couleurs vives, si loin de celles qu’il avait aperçu en se levant. Le ton était donné, la nuit allait être source de nouvelles expériences psychédéliques. Une pluie de pilules multicolores s’abattait maintenant à travers une immense plaine d'herbe bleue. Par chance, des lucioles commençaient déjà à s’agiter autour d’eux afin de leur montrer le chemin. La nuit leur avait enfin parlé, les merveilleuses hallucinations s’étaient manifestées. Beaucoup s’obstinent à les considérer comme une terrible malédiction s’abattant sur les plus grands pêcheurs de ce monde. C’est absurde, comme si quelqu’un sur terre pouvait prétendre être innocent. L’innocence se perd toujours en cours de route, c’est inévitable, et c’est bien mieux ainsi. On appelle les gens comme Charlie des maléfiques. Pourquoi pas, c’est un rôle qu’il serait prêt à jouer. Un rôle parmi tant d’autres, qu’on lui a attribué à cause de son inconscient penchant pour les choses malsaines touchant de près ou de loin les substances illicites. Des substances dont il était dépendant, même si il n’aimait pas l’avouer, à cause de leur merveilleux don de distribuer toutes sortes de rêves. Un plaisir comme un autre, ouvrant les douces portes de l’amusement. Des portes que Charlie ne se lassait jamais de franchir. Les lucioles commençaient à avancer, le jeu allait enfin commencer. Le jeu de la manipulation, et de la découverte. Le jeu de la résurrection, bientôt suivit par celui de la mort. Une vie entière se joue en une seule nuit. Une nuit intense et pleine de découvertes. Frôlant dangereusement le jeu de la débauche, dont il ne parvenait que très rarement à se détacher. Sa véritable identité en était sans doute la cause, puisqu’il s’agissait d’une des rares choses que son jeu d’acteur ne pouvait abandonner. Et peu importe jusqu’où ces lucioles allaient le guider. Peu importe le masque qu’il allait porter. Peu importe sa véritable identité. Il avait une chose que personne ne pouvait lui enlever. La seule chose qui n’avait jamais compté. La liberté.

Spoiler:

**DIEU** tout puissant. Messages : 36 Date d'inscription : 19/03/2009

Bienvenue sur 7DS

Franchement, rien à dire, j'ai tout simplement adoré lire ta présentation. Tu écris très bien =)
Je te valide bien entendu Charlie Hopkins ou le jouet favori de la nuit. 558582

Charlie Hopkins ou le jouet favori de la nuit. 558582

Bon jeu parmi nous Charlie Hopkins ou le jouet favori de la nuit. 26046

Messages : 2 Date d'inscription : 27/03/2009

Merci ! =)