- On va où? Demandai-je du haut de mes trois ans.
- Je te l’ai répété une cinquante de fois et ton père aussi, Cara! On va habiter à Londres!
- C’est quoi?
- Une très belle ville de l’autre côté de la mer! Me répondit-elle les yeux plein d’espoir
- On va voir la mer, Maman! Me réjouissai-je. Il est où Papa?
Elle me montra du doigt un carton volant. Enfin, non. C’était seulement Papa qui portait un carton qui semblait peser quatre fois son poids malgré sa petite taille. Je lui courrais après.
- Papa! Papa! On va voir la mer! On va voir la mer! Me répétai-je comme s’il n’allait rien comprendre.
Il déposa le carton dans le camion qui devait emporter toutes nos affaires à l’aéroport. Puis il se retourna et me prit dans ses bras pour me faire tournoyer dans les airs.
- Wou-hou!
Il me reposa à terre et du me tenir par la main pour que je retourne vers Maman sans tomber. Même perchée sur trois printemps, j’ai toujours été très dynamique. Pour tout, rien et… tout.
Nous partîmes dans le camion. Je passais mon temps à jacasser et à admirer le paysage qui s'offrait à moi. Nous passâmes de champs en villes et de villes en champs pour mon plus grand émerveillement. Mes parents devaient être quelque peu lassés car ils finirent par ne plus m'écouter concrètement. Par exemple je demandais : "Papa c'est quoi le truc orange là-bas?" ; et il me répondait :"Oui, ma chérie!". Oh, je ne le prenais pas mal et je retournais à mes contemplations bambines sans ronchonner.
Enfin, nous arrivâmes à l'aéroport. Je somnolais. J'avais soif. J'avais faim. J'étais fatiguée. Maman et Papa durent signés des papiers pour transporter autant de cartons bien que nous avions vidé la maison durant une brocante où je m'étais perdue tant la foule était dense. Bref, je voulais plus que tout voir le décollage. Mais le départ tardait et mes petits yeux ne purent tenir jusque là. Je m'endormis et ne sentis même pas que nous volions. Je dormis durant tout le trajet pour le plus grand bonheur de tout le monde.
Cependant, ce ne fut pas le cas arrivés dans notre nouvel appartement.
Je refermai avec douceur la porte de la chambre pour ne pas les réveiller même si c’est ce que j’allais faire dans quelques secondes.
- Maman! Papa! J’arrive pas à m’endormir!
Ils ne répondirent pas immédiatement, ce qui me laissa le temps de grimper dans leur lit et de m’installer entre eux. Puis je repris d’un air exaspéré.
- Maman! Papa!
- Pourquoi tu dors pas toi? Me demanda le vieux ronchon qui me servait de père et que j’aimais inconditionnellement.
- C‘est ma nouvelle chambre, elle me fait peur…
- Oh! Allez viens avec nous ma chérie! Chuchotait Maman, bien que nous soyons seuls dans la maison.
Je me fourrai dans les draps et ils se blottir contre moi. Leurs présences me rassuraient et je m’endormis très rapidement.
J’étais loin de me douter que d’ici quelques temps, j’aurais à faire à leur divorce.
***
J’étais encore inconsciente de se qui se passait derrière mon dos de petite fille de cinq ans. J’étais insouciante des conséquences et de mon avenir. A cinq ans quel genre de gosse y songerait? Certainement peu. J’aurais peut-être pu m’en douter mais je ne songeais pas à ça. Sans doute trop occupée à trouver la tenue parfaite d'une poupée ou à résoudre un puzzle de six pièces le plus vite possible. Je m'en veux toujours un peu de n'avoir pas été consciente de ce qui arrivait. Mais j'aurais pu aisément le deviner.
Papa n’était pas souvent à la maison. Maman s’occupait de moi avec attention et nous passions énormément de temps ensemble. Je souffrais du manque paternel mais ne le montrais guère. Cependant, parfois la question « Il est où Papa? » surgissait dans une conversation quelconque. La plupart du temps, ma jolie Maman répondait par une phrase brève après quelques secondes de silence comme pour trouver la parfaite formulation pour ne pas offusquer le coeur d'une gamine.
Je sentais Maman instable et indécise. Je n’aimais pas la voir comme ça, alors je faisais tout pour combler son temps. Si ça pouvait l’empêcher d’être malheureuse. Pourquoi ma maman était-elle malheureuse? Je ne su la réponse que quelques mois plus tard. Si j'avais su que cela viendrait aussi vite, mes réactions auraient sans aucun doute été différentes.
C'est ainsi que ce soir là arriva.
Le repas avait été aussi tendu que possible. Je n’avais jamais vu une chose pareille. Après le dîner, Dexter et Camille m’avaient demandé de partir me coucher. J’obéis. Surprenant. Même pour moi. Mais je sentais que ce n'était pas le moment. Qu'il fallait que j'obéisse pour ne pas empirer la chose. Plusieurs fois j’entendis la porte s’ouvrir et se refermer dans l’impatience que mes yeux se ferment. Mais ils refusèrent. Au fond de moi, je présentais quelque chose. Je fis donc semblant de dormir et c’est là que tout commença. Je sortis de mon lit et entrouvrit la porte de ma chambre.
Même s'ils parlaient à voix basses, leurs tons n’étaient pas calmes et donc leurs paroles arrivaient jusqu’à mes oreilles curieuses sans aucune difficulté.
Ils échangeaient leurs problèmes dont le principal était moi. C’était une dispute sans violence gestuels mais verbale fusionnait dans tout l’appart’.
Je refermai la porte avec violence. J’en avais déjà trop entendu. Leur séparation était proche. Je pleurais toutes les larmes de mon corps.
***
- On va où ?
- Je te l’ai répété une cinquante de fois, Cara! On va habiter avec Tonton Tom. Expliqua Maman.
-Et Papa?
- Vois avec lui ma puce.
Je du attendre le soir, tard, pour obtenir ma réponse.
- On va prendre un nouvel appartement mais tous les deux. S’expliqua-t-il à son tour.
Mes idées devirent confuses. Je ne comprenais pas se qu'ils comptaient vraiment faire de moi dans cette histoire. Et c'est avec incertitude et peur que je formulai ma question.
- Mais… Vous… allez me couper en deux?
Ils rirent et je pu les revoir complices comme autrefois. Mes yeux s’attendrirent devant ce spectacle. Ils se regardèrent, gênés, et ils m’expliquèrent le principe de la garde alternée.
Peu de temps après, je du, de nouveau faire mes bagages, avec regret. Je devais trier mes jouets pour en mettre un peu chez Maman et un peu chez Papa. Tout n'a pas été facile. Je passai beaucoup de temps à réfléchir sans rien faire devant mon coffre encore rempli.
La première semaine devait s'effectuer chez Camille. Je pris donc un peu plus de jeux là-bas. La première nuit fut pénible, comme toutes celles qui suivirent.
Cette nuit-là, je rentrai dans la chambre de Maman. Je grimpai dans son lit et lui caressai les cheveux en lui murmurant son nom maternel à l’oreille.
- Qu’est t’as, ma puce?
- J’arrive pas à dormir.
- Encore…
- Oui.
- Tu veux dormir avec moi, hein?
J’acquiesçai.
- Viens.
Je me fourrai dans ses draps et m’endormis lentement en songeant que la place derrière moi était étrangement vide et glacé.
***
Maman était-elle encore malheureuse? Je ne crois pas. Pourtant, en cachette, elle prenait une boisson qui sentait mauvais qu’elle refusait que je boive. Après elle devenait joyeuse, un peu beaucoup même mais je ne comprenais pas ce qui lui arrivait. De toute façon, je préférais mille fois la voir heureuse que triste mais je m'inquiétais. En silence.
***
Après le dîner je devais repartir chez Papa. On avait mangé en famille avec Tom qui, lorsque j’étais chez Maman, prenait le rôle du second Papa. Cependant, chez Papa, il n’y avait pas de Maman. C’était plus dur à gérer mais je cachais mes inquiétudes. Je me montrais toujours la plus souriante possible.
Bref, Papa arriva. Pendant que j’étais parti finir mon sac dans ma chambre j’entendais leur fortes voix se mêlés les unes aux autres. Depuis leurs séparations, ils s’entendaient de moins en moins. Ils pensaient que je ne savais pas et ils faisaient semblant que tout allait bien devant mes yeux d’ange.
*Rires*
C’est étrange la façon dont les parents perçoivent leurs enfants. Ils pensent qu’ils ne savent pas, qu’ils ne voient et entendent pas mais, ils se trompent. Parfois même, on voit et entend mieux des choses quelconques. Vous savez se qu’on dit! La vérité sort de la bouche des enfants. Quelle c*nnerie! Mes parents faisaient toujours semblant que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Alors, moi aussi.
Les parents sont censés être des modèles pour leur progéniture, non?
Je ressortis de la chambre et les cris cessèrent. Ils me regardèrent tous d'un air responsable. Ils se doutaient que je savais mais ne parlèrent pas. Tous le monde se salua et je partis auprès de mon père.
***
Mes doigts tapotaient sur la surface blanche et lisse, se déplaçant parfois à droite parfois à gauche, jouant sur la pression et la rapidité pour que la partition ressemble à quelque chose de jolie. Sous les yeux admiratifs de ma famille : Tonton, Tata et Maman ; mon sourire angélique affichait présent tout comme les bonnes notes. Le morceau terminé, ils m’applaudirent et me firent des gros bisous que je ne pu refuser.
- Tu as bien mérité ce cadeau! Avec tes résultats scolaires! Me déclara Maman en désignant le beau piano neuf.
- Merci Maman!
- Tom et Izzie ont aidés ma puce!
Je leur sautai tour à tour dans les bras dans l’espoir de recevoir encore de leur tendres câlins.
Je ne pouvais espérer un plus beau cadeau pour mes sept ans.
Ce ne fut malheureusement pas le seul cadeau. Et le suivant fut bien moins merveilleux.
- Maman, je t’en supplie…
- Non! On ira!
- Mais le médecin va me faire mal! Tu veux comme même pas que je meurs?
- Arrête tes bêtises, tu veux?
- Non.
- Ce n’est qu’un vaccin ma chérie. Je ne veux pas que tu tombes malade et que tu meures, comme tu le dis.
Je fis la moue et ne dis rien jusqu’à ce que le vieux diplômé nous reçoive dans son bureau trop ordonné pour que je m’y sente bien.
- Alors ma petite, tu vas allez t’asseoir sur le lit là… voilà… et soulèves une manche de ton gilet, s’il te plaît.
Il me prenais vraiment pour une gosse ce vieux binoclard ! Je n'avais qu'une envie lui faire bouffer ses aiguilles et ses pansements. Je ne me sentais pas bien à la vue du sang. Alors le mien! C’était horrible. J’avais peur. Allais-je mourir aujourd’hui? Oh, non! Dieu si tu existes, c'est le moment de me le prouver!
- A quel groupe sanguin appartient votre fille?
- Elle est O -, docteur.
- Très bien.
Il sortit une aiguille aussi longue que ma jambe qui tremblait. Il s’avança vers moi avec un regard sadique. Je fermai les yeux.
…
…
Bah, pourquoi il ne piquait pas dans mon bras? Je rouvris les yeux et le vis me regarder.
- C’est terminé!
- Déjà!
- Et oui!
- Mais j’ai rien sentis.
Le médecin et Maman rirent. Je boudai deux secondes avant de me joindre à eux. Je ne pouvais pas faire la tête très longtemps. J’étais loin d’être rancunière.
La consultation finit, nous partîmes.
- Tu vois ce n’étais pas grand-chose mon petit ange! Déclara Maman.
Non, effectivement.
***
Un Ange.
C’était ainsi que les gens me définissaient. C’est vrai que mes cheveux blonds et mes yeux bleus pouvaient m’y faire ressembler. De plus, ma petite taille, enfin, j’étais plutôt grande pour une gosse de huit ans mais, je restais petite tout de même, me donnait un aspect féerique. Je ressemblais à ma mère pour la couleur de cheveux. J’aimais beaucoup ressembler à ma maman parce qu’elle est jolie. Je voulais, plus tard, être comme elle. J’aurais fait n’importe quoi pour ça.
Mais un ange, ne me définissait pas vraiment sous cette fine chevelure d’or. Malgré les grands sourires que je faisais du matin au soir, je n’éprouvais pas toujours du bonheur. Cependant, j’évitais de me prendre la tête avec des choses sans importance comme le font les adultes.
C’est vrai, quoi ? Les adultes perdent leur temps avec des choses sans importance. Il y a tant à faire dans la vie en si peu de temps qu’il ne sert à rien de perdre du temps précieux.
Et oui, je n’ai que huit ans, et je veux déjà profiter à fond de la vie.
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